Menu

Réforme du régime des nullités en droit des sociétés: vers un renforcement de la sécurité juridique

Copier le lien

L’ordonnance 2025-229 du 12 mars 2025 modifie de manière substantielle le régime des nullités en droit des sociétés. Cette réforme a pour objectif de renforcer la sécurité juridique des sociétés en limitant les cas pour lesquels la nullité peut être prononcée.

Désormais, le régime de droit commun des nullités sera uniquement régi par le code civil et non plus par le code de commerce.

Les dispositions du régime des nullités en droit des sociétés entreront en vigueur dans leur version modifiée le 1er octobre 2025 :

👉 Nullité de la société :

Celle-ci n’est désormais envisageable plus que dans deux cas (supprimant ainsi le cas de nullité pour violation des règles de formation des contrats) :
• incapacité de tous les fondateurs, ou
• violation des dispositions fixant un nombre minimal de deux associés.

👉 Nullité des apports :

La réforme prévoit que tous les apports peuvent encourir l’annulation dès lors qu’ils sont réalisés en contradiction avec une disposition impérative du droit des sociétés ou une des causes de nullité du droit des contrats.

• En cas de nullité de l’apport isolé :
– annulation des parts sociales ou actions émises en contrepartie ;
– restitution, par la société, des engagements exécutés par l’apporteur dans les conditions des articles 1352 et suivants du code civil ;

• En cas de nullité de l’intégralité des apports, qu’ils soient souscrits au cours de la constitution ou postérieurement, celle-ci entraîne la dissolution-liquidation de la société.

👉 Nullité des décisions sociales :

La nullité d’une décision sociale ne peut résulter que :
• de la violation d’une disposition impérative, ou
• de l’une des causes de nullité des contrats en général.

Instauration d’une triple condition que le juge devra vérifier avant de prononcer la nullité d’une décision sociale :
• le demandeur doit justifier d’une atteinte portée aux intérêts protégés par la règle dont la violation est invoquée ;
• l’irrégularité doit avoir eu une influence sur le sens de la décision contestée ;
• les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne doivent pas être excessives au jour où le juge statue sur la nullité au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée.

🔺 Attention, cet article n’est toutefois pas applicable à certaines règles expressément indiquées comme étant exclues du champ d’application de ce triple test, telles que les règles relatives à la nomination des administrateurs et membres du conseil de surveillance, l’affectation d’une part du bénéfice à la réserve légale, la création d’actions de préférence.

Il est mis fin aux nullités en cascade, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraîne pas la nullité des décisions qui ont été prises par celui-ci.

En cas de nullité d’une décision sociale, il est désormais possible pour le juge de différer les effets de la nullité lorsque celle-ci est susceptible de produire des effets manifestement excessifs pour l’intérêt social.

A noter qu’en matière de SAS, si les statuts peuvent prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils ont établies, le régime de la nullité devra respecter les conditions prévues par le nouveau régime de droit commun des nullités.

👉 Réduction du délai de prescription de l’action en nullité :

Le délai de prescription de nullité de droit commun des sociétés est réduit à deux ans (vs. 3 ans jusqu’alors) à compter du jour où la nullité est encourue, s’agissant de la nullité des sociétés et nullité des décisions sociales.

On rappellera à cet égard que, quoi qu’il en soit, la nullité est considérée comme éteinte si elle a cessé d’exister au jour où le juge statue.

🔺 Attention, la réforme créée une exception pour l’action en nullité pour les décisions d’augmentation de capital dans les sociétés anonymes qui se prescrivent désormais par 3 mois :
• lorsque la décision a été prise par une délégation de pouvoir ou de compétence, le délai court à compter de la date de l’assemblée générale au cours de laquelle le rapport sur les conditions définitives de l’opération est porté à la connaissance des actionnaires, et
• dans les autres cas, le délai court à compter de la date à laquelle la décision dont la régularité est contestée a été prise.

Cette réforme vient renforcer la sécurité juridique des sociétés en durcissant les cas dans lesquels la nullité peut être demandée et, privilégiant ainsi la validité des différents actes de la vie sociale. On peut tout de même se demander si cette volonté d’assurer la pérennité des sociétés ne tend pas à faire disparaitre les sanctions en cas de non-respect des règles édictées par le droit des sociétés et donc leur effet dissuasif.

Estelle Biemmi | Eliott Alima